Big Brother is watching us?
En entendant « Vidéosurveillance « , il est difficile de s’empêcher de penser, à la célèbre devise de Georges Orwell « Big Brother is watching you» métaphore d’un régime de surveillance étatique ô combien liberticide. Certains martèleront, avec ferveur, que la fiction commence déjà à envahir la réalité. Mais qu’en est-il réellement ?
Vidéosurveillance ou vidéoprotection : une distinction essentielle
Avant tout propos, il est nécessaire de rappeler que les dispositifs filmant la voie publique et les lieux ouverts au public sont des dispositifs de vidéoprotection et non de vidéosurveillance, qui eux concernent les lieux non ouverts au public. Les plus fervents d’entre vous me rétorqueront sûrement qu’il s’agit là simplement d’un effet de langage visant à maintenir les bons et loyaux citoyens dans un état de torpeur, mais la distinction à son importance. (CF :Mise en demeure de l’État et de plusieurs communes dans le cadre de l’utilisation de logiciels d’analyse vidéo dont Briefcam)
Tantôt prônée, tantôt décriée, la vidéoprotection du domaine public a toujours fait les choux gras de la presse. De la simple caméra à la vidéoprotection, algorithmique ou automatisée, il n’y aurait qu’un pas à franchir. La CNIL souligne d’ailleurs que « Si cette technologie n’en est qu’à ses balbutiements, il importe de comprendre que son caractère intrusif est croissant puisque la liberté d’aller et venir anonymement pourrait être remise en cause ».
Il n’est que peu dire qu’aujourd’hui, la société fait face à la multiplication de ces dispositifs. Dans la précipitation, pour lutter contre l’insécurité, de nouveaux projets voient le jour en enfreignant parfois les lois et réglementations applicables. Le plus souvent ils sont mis en place pour lutter contre l’insécurité, mais gardons à l’esprit que la frontière qui mène à la diminution des libertés est vite franchie. La question de la vidéoprotection/vidéosurveillance peut se résumer ainsi : « la passion a donc pris le pas sur la raison, la vidéosurveillance était à la fois le pire danger pour la démocratie et son meilleur espoir, la solution à la délinquance ou un placebo : tout et son contraire » ((Alain Bauer et François Freynet, « Vidéosurveillance et vidéoprotection »).
Les caméras augmentées : un enjeu stratégique pour la CNIL
On remarquera aussi que le sujet des caméras dites « augmentées » dans les espaces publics est devenu, une priorité stratégique pour la CNIL. En effet, l’utilisation d’une technologie permettant non seulement de filmer, mais également d’analyser les personnes concernées en temps réel, entraîne une massification de la collecte de données à caractère personnel.
En cela, l’encadrement juridique se complexifie et il est nécessaire de respecter les dispositions relatives à la protection des données. Les enjeux à appréhender sous le prisme du RGPD sont nombreux ! À titre d’exemples :
- Les caméras augmentées intègrent des technologies comme la reconnaissance faciale, l’analyse comportementale ou encore la détection d’objets. Ces dispositifs collectent des données sensibles, souvent sans que les personnes filmées en aient pleinement conscience. Selon le RGPD, il faut protéger ces données et justifier leur collecte par un intérêt légitime, proportionné et transparent.
- Par ailleurs, la sophistication des caméras augmentées rend possible des usages détournés, comme la surveillance ciblée non autorisée ou la collecte massive de données à des fins commerciales ou sécuritaires, sans respect des cadres légaux.
Bonnes pratiques pour un usage conforme et éthique
En tant que professionnel averti, vous avez tout intérêt à :
- Alerter votre DPO en amont du projet ;
- Vérifier la qualité, la légitimité et la proportionnalité de la collecte des données (notamment pour ne pas générer de problèmes éthiques, d’atteinte aux libertés, de discrimination etc.) ;
- Vérifier que l’utilisation de la vidéoprotection augmentée repose sur une base légale appropriée et que les justifications sont claires et bien documentées ;
- Eviter tout détournement de finalité ;
- Minimiser la durée de conservation des images et la portée du traitement ;
- Réaliser les formalités d’information des personnes concernées ;
- Vérifier que les sous-traitants respectent les obligations RGPD ;
- Acter et documenter les risques liés aux transferts éventuels de données ;
- Réaliser une AIPD pour vérifier le respect des principes fondamentaux exposés ci-dessus et analyser les mesures de sécurité déployées et les risques associés ;
- En fonction des technologies utilisées, la CNIL pourrait être consultée pour s’assurer de la conformité du projet.
Entre sécurité et liberté : quel avenir pour la vidéoprotection ?
Parce que dans le monde des données, il n’y a pas que le RGPD qui vous fait lever un sourcil… L’éthique aussi mérite que l’on s’y attarde ! Voici quelques questions qui nous font réfléchir :
- Les caméras augmentées sont fréquemment utilisées pour renforcer la sécurité dans les espaces publics ou privés, en permettant une surveillance automatisée et une analyse en temps réel des situations à risque. Toutefois, leur efficacité dépend de la qualité des algorithmes utilisés et des conditions d’installation ;
- L’utilisation de la reconnaissance faciale ou d’algorithmes d’analyse comportementale peut mener à des biais algorithmiques et à des discriminations involontaires, par exemple en fonction de la couleur de peau ou du sexe. Cela soulève des questions d’éthique, notamment dans le cadre de l’application de la loi ou de la gestion des foules.
Ainsi, les caméras augmentées offrent des avantages significatifs pour la sécurité et la gestion des flux, mais elles doivent être déployées dans un cadre strictement régulé afin de protéger la vie privée et les libertés individuelles.
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